Une invitation aux invisibiliséEs :

Copie de 22 mars 2025

un tirage au sort (mais pas au hasard) pour construire notre liste citoyenne pour 2026

Comment aller à la rencontre de celles et ceux qu’on n’entend jamais ? C’est la question que se pose depuis toujours Archipel Citoyen, et qui se repose aujourd’hui pour construire la composante citoyenne de la liste municipale 2026. Une de nos réponses : une méthode originale de tirage au sort géo-social pour alimenter notre Collège Citoyen (on vous en dira plus à propos de ce collège bientôt !).

Pourquoi s’embêter avec une méthode compliquée ?

Alors déjà, vous allez voir, ce n’est pas si compliqué. Et surtout, parce que si l’on n’avait pas ce type d’aspiration, on ne pourrait pas redonner goût et confiance dans la politique. On ne va quand même pas simplement demander aux gens de candidater, on sait très bien comment ça fini ce genre d’histoire, avec toujours-les-mêmes.

Donc, pour constituer notre Collège Citoyen pour les élections municipales 2026, nous voulons nous donner les moyens d’inclure des personnes qu’on ne recrute pas d’habitude, et des les accompagner ensuite, mais ceci on vous en parlera dans un autre article. Ces personnes qui ont probablement le plus à dire, ou au moins autant le droit de le dire que les autres. Mais celles que l’on écoute et entend le moins. Celles et ceux aussi qui se disent “C’est pas pour moi!” ; “C’est trop compliqué” etc… Nous n’avons pas cherché à définir leur profil, ce serait forcément réducteur. Leurs profils se définissent plutôt en creux : ce sont ceux qu’on ne retrouve pas tout le temps dans la politique et les listes électorales.

Le tirage au sort géo-social que nous avons mis en place est donc un outil pour changer le principe de constitution des listes électorales en général, et de faire vivre la démocratie. Évidemment il n’est qu’une brique dans une démarche globale que nous portons, nous vous invitons à lire les autres articles du site (passés et à venir) pour ceci.

Un principe : ce que l’on vit dépend d’où l’on vit

Ce travail s’inspire (en le déformant à une maille beaucoup plus locale) du concept de classe géo-sociale, développé par Julia Cagé et Thomas Piketty (2023).

L’idée : ce que l’on vit est fortement lié à où l’on vit. Le lieu de résidence concentre et cristallise des déterminants sociaux, économiques et politiques.

Un carreau urbain peut donc porter en lui des inégalités invisibles aux échelles habituelles, et surtout permet de sortir des clichés que l’on peut avoir sur tel ou tel quartier, de la politique de la ville ou pas, pour s’ancrer dans une réalité un peu plus objectivable (loin de nous l’idée de penser que tout doit être objectivable, mais il faut avouer qu’ici cela permet de sortir des clichés).

Nous avons donc croisé des données carroyées de l’INSEE (des données statistiques disponibles à une résolution de 200 m × 200 m, soit à peine 4 terrains de foot) pour créer une valeur d’invisibilisation pour chacune de ces micro-zones. Nous utilisons ensuite cet indicateur pour tirer au sort les lieux que nous allons investiguer.

Quels critères avons-nous pris en compte ?

On pourrait en débattre des heures (on l’a fait !), on pourrait certainement même en faire un sujet de thèse (si quelqu’un le fait, tenez-nous au courant !), mais au final nous avons opté pour l’utilisation des cinq indicateurs statistiques suivants (parmi ceux limités disponibles à la maille du carreau INSEE) :

  • % de ménages pauvres (avec un poids de 3 dans l’indicateur final)
  • % de familles monoparentales (avec un poids de 2 dans l’indicateur final)
  • % de jeunes adultes 18–24 ans (avec un poids de 1 dans l’indicateur final)
  • % de logements sociaux (avec un poids de 2 dans l’indicateur final)
  • % de logements collectifs (avec un poids de 1 dans l’indicateur final)

Nous avons ensuite combiné (avec la poids relatif indiqué pour chacun) ces 5 variables pour obtenir un indicateur d’invisibilisation. L’idée ici est que plus ce score est haut, plus les gens qui habitent à cet endroit ont des chances de n’être jamais représentés ou écoutés par les politiques municipales.

Tirer au sort, mais pas au hasard

Une fois les zones invisibilisées identifiées grâce à cette méthode, nous tirons 15 points au sort à l’intérieur de ces micro-zones.

Et voilà pour le tirage au sort !

Et maintenant ? Et bien ces 15 lieux ne sont qu’une première étape. Il reste désormais le plus important / difficile / intéressant, et cela va bien nous occuper sur les prochaines semaines :

  • y faire du porte-à-porte,
  • y organiser des goûters de bas d’immeuble,
  • y discuter et écouter ce que vivent les habitantEs.
  • y proposer aux gens d’être candidatEs sur la composante citoyenne de notre liste, ou alternativement de plébisciter des gens du quartier qu’ils y verraient
  • les accompagner

Prochaines étapes à suivre.

Une méthode reproductible

Ce travail est documenté en sources ouvertes, notamment sur GitHub. Il peut être repris, adapté, répliqué ailleurs. N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions ou envie d’en savoir plus. Vous pouvez aussi tout simplement rejoindre le mouvement Archipel Citoyen.

Voir la documentation détaillée
Voir le dépôt github

Du tirage au sort… aux tocs tocs à la porte

Le tirage au sort géolocalisé n’était qu’un début. Une fois nos 15 lieux repérés, tout restait à faire : y aller, frapper aux portes, écouter et discuter. Bref, transformer une carte statistique en rencontres bien réelles. C’est là que l’aventure humaine a vraiment commencé.

Les cercles de quartier d’Archipel aux manettes

Ce processus a été lancé par le collectif Archipel Citoyen, mais il a surtout pris vie grâce à ses 9 cercles de quartier. Chaque cercle s’est emparé des points qui se trouvaient sur son territoire. Et les cercles moins chargés sont venus donner des coups de main aux autres. Une dynamique conviviale, décentralisée et enthousiasmante, à l’image du mouvement lui-même.

Des coordinateurices de talent on mis en mouvement tout ça. Les cercles ont organisé leurs propres séances de préparation, souvent sur place, c’est l’été on en profite, parfois dans un café associatif. Au programme : constituer les équipes ; aller faire des repérages quand on ne connaît pas bien le lieu, initier les militants et sympathisants à l’écoute et au porte-à-porte ; concevoir toute la logistique autour (flyers, tables, etc, etc). Chaque cercle a ainsi pu s’approprier la démarche, tout en gardant un socle commun.

Sur le terrain : plus d’écoute que de discours

Dans les faits, chaque cercle a expérimenté son style. Certains privilégient des passages rapides, d’autres des temps plus longs, d’autres des passages multiples. Mais partout, les constantes sont les mêmes : une méfiance initiale assez systématique… la défiance envers tout ce qui touche au politique est immense. Mais on arrive souvent à la lever quand on explique que justement ce que l’on veut faire ici c’est ne pas recruter « les mêmes que d’habitude ». Des récits du quotidien, très concrets, sur le logement, la mobilité, l’accès aux services, la sécurité. Des relais inattendus, quand un habitant nous dit « Vous devriez aller voir ma voisine là-bas, elle elle a beaucoup à dire ».

Et des conversations déconcertantes : comme cet homme immigré de longue date, qui est loin d’avoir une vie facile, et que l’on rencontre dans un quartier très enclavé où il faut marcher 15 min au bord d’un grand axe routier pour arriver, et qui a presque vue sur le périph. Nous discutons, puis à un moment il nous sort “Mais attendez moi Moudenc je le soutiens”. Quand on lui demande pourquoi : “Ben regardez par exemple la 3e ligne de métro c’est super”. On reste un peu sidéré, on n’ose pas demander en quoi cette 3e ligne, qui passe à l’autre bout de la ville, va améliorer son quotidien et lui fait soutenir ce maire.

Plus que du porte-à-porte, des moments collectifs

Au-delà du porte-à-porte, les cercles ont aussi imaginé d’autres formats, des goûters de bas d’immeuble, parfois improvisés avec des fruits que chacun apportait (parfois beaucoup de fruits), quelques biscuits, un thermos de café, du thé… Il arrivait que des enfants viennent profiter des biscuits (certains en ont bien bien profité), et cela permettait d’initier un échange quand la maman venait les rappeler à l’ordre et leur dire de rentrer.

Globalement, cette organisation décentralisée n’a pas été seulement un travail de conception et de terrain, mais une sorte d’expérimentation organisationnelle par le faire : montrer aussi que la démocratie locale peut se construire localement, par capillarité. Finalement, ce moment n’était pas un simple « porte-à-porte militant ». C’était une manière de tisser une démocratie par en bas, où chaque quartier a son mot à dire.

Et donc il en est ressorti quoi de tout ça ?

Et bien beaucoup de contacts pris, beaucoup de gens qui ne nous recontactent pas, d’autres qui nous disent “En fait finalement je ne vais pas continuer”. Parfois on insiste un peu, parfois on sent que ce n’est pas pertinent. Et quelques-unEs, sans aucun doute trop peu, qui nous disent oui et entrent au Collège Citoyen.  On s’en doutait que ce serait difficile, que l’exercice valait surtout par le fait de le faire. Nous restons convaincus que notre processus était pertinent. Que dans un monde où les gens croiraient encore un peu à la politique pour changer leur vie, où les gens les plus éloignés ne seraient pas tellement étouffés par le quotidien qu’il ne voient pas où ils pourraient trouver le temps de participer à ça, dans ce monde on pourrait arriver à créer un conseil municipal réellement représentatif. Mais il faut se rendre à l’évidence, dans la majorité des cas, l’état actuel de la société ne le permet pas. Ou si vous avez la solution, faites mieux, et surtout : faites le.

Mais pour les personnes qui avaient déjà une volonté de soutenir leur entourage, famille, ami.es, voisin.es et de contribuer aux changements de la ville où elles vivent, la proposition d’Archipel Citoyen arrivait au bon moment et elles se sont pleinement investies dans le processus. 

Un exemple frappant : une des personnes tirées au sort n’avait jamais voté. Mais grâce à la rencontre en porte-à-porte, elle s’est inscrite sur les listes électorales et a décidé de suivre le processus pour devenir élue et participer aux décisions prises pour sa ville. Comme quoi, proposer aux citoyennes et citoyens de pouvoir s’investir concrètement sur les orientations de la ville peut redonner confiance en la politique.

Prochaine étape : le Collège Citoyen

En parallèle de ce tirage au sort, d‘autres éléments nous ont permis de constituer ce collège citoyen, afin de créer une diversité de profils, plus ou moins éloignés de la politique, plus ou moins expérimentés, afin d’avoir un collège au maximum représentatif de la ville et de ce que porte Archipel Citoyen  : 

  • des adhérentEs Archipel Citoyen
  • des sympathisantEs (celleux ayant participé aux soirées COOP de 2024 et 2025)
  • des personnes plébiscitées par nos membres car représentant au quotidien les valeurs de notre mouvement ou très intégrées dans le tissu social/associatif de notre ville

A l’heure où nous écrivons ces lignes, il est composé de 52 membres dont :

  • 15 adhérentEs d’Archipel Citoyen,
  • 19 sympathisantEs,
  • 16 personnes plébiscitées (par les adhérentEs et les sympathisantEs),
  • 2 personnes tiréEs au sort.

Ce collège est très divers mais il reste à en faire ressortir une équipe plurielle, qui saura représenter et porter haut les valeurs d’Archipel Citoyen. C’est dans ce but qu’ont été organisés plusieurs ateliers lors de l’été et que des sessions de formation et de coaching ont eu lieu durant le mois de septembre. Mois de septembre qui sera ponctué le week-end du 27-28 par une première étape de désignation, pour faire ressortir les 28 candidatEs qui intégreront la liste d’union avec les Écologistes.

Pour cette désignation, une commission a été mise en place, elle aussi mélangeant adhérentEs et sympathisantEs. Un processus reposant sur l’intelligence collective, des entretiens individuels et exercices collectifs a été établi pour mener à bien cette désignation.

Un comité des garantEs s’assurera du bon déroulé et de l’intégrité du processus.

nous avons souhaité un processus qui soit le plus inclusif dès le départ et nous sommes fierEs de compter dans notre Collège Citoyen des membres de la communauté LSF, que nous accompagnons au même titre que les autres candidatEs, en leur permettant de suivre les mêmes contenus, grâce notamment à des interprètes, mais aussi à de la transcription lorsque le contenu le permet.

Et ensuite ?

Après ce week-end de désignation, les membres non désignéEs comme candidatEs pourront décider de leur rôle futur de membre du Collège Citoyen, en lien avec les adhérentEs d’Archipel Citoyen. Cette auto-détermination nous semble particulièrement appropriée ici, et en accord avec les valeurs d’Archipel Citoyen. Ce rôle pourrait se traduire par :

  • Pendant la campagne : faciliter la co-construction du programme avec les habitantEs, participer aux actions citoyennes et de consultation, conseiller les candidatEs, proposer des projets, etc,
  • Après les élections : faire vivre la démocratie localement, évaluer l’action publique et les décisions des éluEs, informer l’opinion publique, etc,
  • Une adhésion à Archipel Citoyen, selon un souhait individuel.

Si tout ceci vous intéresse et que vous avez envie de contribuer à cette nouvelle expérimentation de politique municipale initiée par Archipel Citoyen, n’hésitez pas à nous contacter, à nous faire un don, ou encore mieux à nous rejoindre !