Affaire Evotec : l’envol des fonds publics

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L’annonce de la vente de l’usine Evotec à Toulouse au géant suisse Sandoz est un scandale qui ne doit pas être étouffé par le jargon économique. C’est l’histoire, chronométrée et chiffrée, d’une entreprise européenne qui a utilisé nos impôts pour construire un joyau industriel avant de le revendre au premier venu pour renflouer ses caisses. Pour nous, Archipel Citoyen, cette transaction est la démonstration d’un système où l’argent public subventionne la plus-value privée, sans aucun contrôle ni retour pour la collectivité.

Analysons les faits, avec des chiffres et des sources incontestables.

Un calendrier éclair, un coût colossal

Le projet « J.POD 2 EU » d’Evotec à Toulouse n’était pas un projet industriel comme les autres. Vendu comme un pilier de notre souveraineté sanitaire post-Covid, il a bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel et d’un calendrier accéléré.

  • Coût initial annoncé : L’investissement total pour la construction de l’usine était estimé à 150 millions d’euros, comme le rapportait la Dépêche du Midi lors de l’annonce du projet en avril 2021.
  • Début de la construction : La première pierre a été posée le 16 septembre 2022, marquant le lancement officiel d’un chantier rapide et hautement technologique.
  • Inauguration et mise en opération : Moins de deux ans plus tard, l’usine était officiellement inaugurée le 20 septembre 2024 et un début de production prévu pour fin 2025. 

En à peine deux ans, un actif industriel de pointe, d’une valeur de 150 millions d’euros, était donc sorti de terre sur notre territoire. Une rapidité et une ambition rendues possibles par un soutien public massif et la promesse de 200 emplois en 2021. A ce jou,  seulement 80 personnes ont été recrutées.

Des subventions massives pour une plus-value record

Malgré un discours qui entretient savamment le flou, les montants des aides publiques sont précis et documentés. Selon La Tribune, les aides se décomposent ainsi:

  • 43 millions d’euros de la part de l’État français, via le « Programme d’investissements d’avenir » (devenu France 2030) et géré par la BPI. Selon les comptes sociaux de la société EVOTEC de 2021, il s’agit  de 43 250 800 € d’avances remboursables dont 33 167 200 € d’avances transformables en abandon de créance (i.e. une subvention potentielle) et 10 083 600 € d’avances remboursables. Dans ses comptes 2024,la société a recatégorisé 20 800 000 € en subventions
  • 6 millions d’euros de la Région Occitanie (3 millions en avances remboursables / 3 millions en subventions).
  • 2 millions d’euros d’avantage fiscal annuel de la part de Toulouse Métropole. Une diminution de la fiscalité annuelle sur le foncier bâti de 2m€ de Toulouse Métropole ainsi que l’acquisition de terrains

En plus de ces aides directes, la Banque Européenne d’Investissement (BEI) a accordé à Evotec un prêt de 150 millions d’euros en février 2023.

Au total, ce sont donc près de 51 millions d’euros de subventions et d’aides directes, sans compter les prêts garantis par la puissance publique, qui ont été injectés dans ce projet. Nous, citoyenNEs, avons financé la construction, l’innovation et l’outil de production. Avec cette vente, ce sont donc 23,8 millions € de subventions qui s’envolent. 

L’opération financière : 51 M€ d’aides, 258 M€ de vente

Le mécanisme est d’une simplicité redoutable.

  1. L’État et les collectivités identifient un besoin stratégique et décident de le soutenir massivement pour attirer l’allemand Evotec.
  2. L’argent public finance plus d’un tiers du coût de construction, effaçant ainsi le risque pour l’entreprise. L’usine ultramoderne sort de terre grâce à nos impôts.
  3. L’entreprise rencontre des difficultés financières qui n’ont rien à voir avec le site de Toulouse. Pour se « refaire une santé », elle décide de vendre son actif le plus récent et le plus attractif : celui que nous venons de financer.
  4. La vente à Sandoz est une pure opération de plus-value. Comme l’indique le communiqué de presse officiel d’Evotec du 30 juillet 2025, le prix de vente est d’environ 300 millions de dollars, soit près de 258 millions d’euros. Evotec vend un outil qui a coûté 150 M€ (dont 51 M€ d’argent public) pour 258 M€, empochant une plus-value colossale sur un actif que nous avons financé.

C’est le schéma parfait de la socialisation des risques et de la privatisation des profits. Le contribuable paie pour construire, l’entreprise privée encaisse la plus-value à la revente. Nous sommes les investisseurs sans voix au chapitre et sans part du bénéfice.

Reprendre le contrôle : nos conditions pour l’argent public

Archipel Citoyen ne se contente pas de dénoncer. Nous exigeons un changement radical de paradigme. L’argent public ne doit plus jamais être un chèque en blanc.

Nous demandons que toute subvention à un projet industriel stratégique soit désormais conditionnée par :

  1. Une entrée de la puissance publique (État, Région) dans les organes de décisions de . Si nous finançons, nos représentants doivent avoir un droit de regard sur les décisions stratégiques comme une vente.
  2. Des clauses de remboursement automatique et majoré en cas de cession de l’actif subventionné.
  3. Des garanties contraignantes sur l’emploi et le maintien de l’activité sur le territoire, inscrites dans des pactes d’actionnaires.

L’affaire  Evotec-Sandoz est une leçon amère mais utile. Elle doit être le point de départ d’une reconquête citoyenne sur l’utilisation de notre argent. Nous avons subventionné, ils ont empoché la plus-value. Plus jamais ça.