L’histoire de l’éducation populaire est celle d’un combat : celui d’une émancipation collective par le savoir, par la culture, par le débat. Depuis le XIXe siècle, les mouvements ouvriers, mutualistes, syndicalistes et associatifs ont développé des outils pour que chacun·e puisse s’instruire, se forger une opinion critique, et surtout agir. Il s’agissait alors de ne pas laisser l’instruction aux mains d’une élite, mais d’en faire un levier de transformation sociale. Cette ambition s’est incarnée dans des bourses du travail, des universités populaires, des maisons des jeunes et de la culture — autant de lieux où l’on débattait, où l’on apprenait, où l’on construisait l’avenir ensemble.
Mais c’est surtout à la sortie de la Seconde Guerre mondiale que cette conviction s’est imposée avec une force nouvelle. L’horreur fasciste venait de montrer jusqu’où l’ignorance, la violence, la peur et l’atomisation sociale pouvaient conduire. Pour éviter le retour du pire, des résistants, des pédagogues, des élus progressistes ont affirmé avec clarté, qu’au-delà de l’instruction, que seule une société éduquée, solidaire et coopérative pouvait constituer un rempart durable. L’éducation populaire s’est alors pensée comme un outil naturel de reconstruction démocratique, de vigilance citoyenne et de prévention contre les dérives autoritaires. Le “faire ensemble” devenait non seulement un idéal, mais une nécessité historique.
Aujourd’hui, dans un contexte de recul démocratique, de montée des extrêmes et de repli sur soi, cette tradition est plus précieuse que jamais. L’éducation populaire n’est pas une nostalgie, c’est une méthode et un horizon. C’est dans cette filiation directe que s’inscrit l’action “Résister”, portée par Archipel Citoyen, mouvement politique toulousain qui articule depuis ses débuts démocratie, écologie et justice sociale.
Distribuer cent exemplaires du livre Résister de Salomé Saqué dans les boîtes à livres de Toulouse n’est pas un simple geste militant. C’est une action d’éducation populaire, car elle vise à éveiller les consciences, à nourrir les discussions entre voisins, à faire de la culture un bien commun et un outil de mobilisation. Comme l’écrit Saqué, résister aujourd’hui, c’est d’abord informer, débattre, créer du lien, s’engager collectivement. Ce sont aussi les fondamentaux du projet politique d’Archipel Citoyen.
Ce lien entre culture et démocratie, Archipel le revendique pleinement. Dès 2020, son programme proposait de créer des maisons de la citoyenneté, de soutenir les initiatives locales, de renforcer les contre-pouvoirs par des conseils de quartier, des budgets participatifs ou des assemblées habitant·es. En 2026, ces propositions sont renouvelées et renforcées : face à une municipalité qui affaiblit les associations, étouffe les expressions critiques et banalise les idées réactionnaires, il faut reconstruire des lieux de débat, de création, de résistance joyeuse.
Résister, c’est refuser que les citoyens soient réduits à de simples spectateurs d’une démocratie vidée de son sens. C’est refuser aussi l’ambiguïté de ceux qui, comme la majorité municipale actuelle, condamnent mollement l’extrême droite tout en la courtisant par opportunisme ou par calcul électoral. C’est affirmer que la démocratie ne se résume pas au vote, mais se vit au quotidien, dans les rues, dans les associations, dans les boîtes à livres.
En offrant ce livre, Archipel Citoyen ne fait pas de prosélytisme, il tend la main. Il invite à penser et à faire ensemble. Il réveille une tradition toulousaine de résistance, mais l’ancre dans notre temps : celui des luttes climatiques, féministes, sociales et démocratiques. Résister aujourd’hui, c’est aussi défendre les faits, la science, les savoirs, dans une époque saturée de mensonges et de confusion. C’est redonner du pouvoir d’agir aux gens, dans leur quartier, dans leur ville, dans leur quotidien.
L’action “Résister” est ainsi un manifeste vivant : pour une Toulouse populaire et démocratique, contre la résignation, l’isolement et la peur. C’est un geste modeste mais puissant, dans la grande chaîne de l’émancipation collective. Elle rappelle que ce n’est pas seulement par des discours que l’on fait reculer l’extrême droite, mais par une présence constante, solidaire, joyeuse et déterminée sur le terrain.
C’est cela, l’éducation populaire. C’est cela, Archipel Citoyen. C’est cela, résister.