La démocratie participative asséchée et verrouillée de la mairie de Toulouse : « Ateliers Citoyens »

Cet article fait partie d’une série sur la participation à Toulouse, comment elle est faite, comment elle pourrait l’être. Il a été écrit par Olivier et Sébastien, tous deux membres d’Archipel Citoyen. Sébastien parle ici à partir d’informations de première main, ayant été tirés au sort et ayant participé à toutes les instances des Ateliers Citoyens de la mairie.

Les élus de la majorité actuelle à la mairie de Toulouse sont passés près d’une défaite aux dernières municipales contre Archipel Citoyen, un parti dont l’essence était de redonner le pouvoir aux habitants de Toulouse, de redonner vie à la démocratie municipale. Les initiatives allant dans ce sens sont nombreuses en France et ailleurs. Il s’en est fallu de peu pour que ce renouveau démocratique atteigne Toulouse. Il n’empêche, les gagnants sont des politiciens d’expérience, et ils font depuis ce que fait traditionnellement le pouvoir en politique politicienne : reprendre les concepts du camp d’en face, les vider de leur sens, leur enlever tout ce qui fait leur valeur, pour les déployer dans une version dévoyée et étriquée. Le but de la manœuvre est uniquement de l’affichage, de la com, donc cela suffit amplement. Cette méthode a fait ses preuves à de nombreuses reprises en termes d’efficacité électorale. Pour refaire vivre la démocratie on repassera.
Ce démocratie-washing (le terme utilisé en anglais est civic-washing) du groupe AimerToulouse se matérialise à Toulouse sous deux formes principales : la plateforme “Mes idées pour mon quartier” et les “Ateliers Citoyen”
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En plus de la plateforme JeParticipe, la mairie a donc sorti de son chapeau un autre grand projet participatif : les Ateliers Citoyens. Ceux-ci couvraient au départ plusieurs catégories, l’écologie, l’urbanisme, etc. Du fait du manque de participation, les catégories se sont évaporées avec le temps, et ce ne sont pas les seules.

Tirons un premier bilan de ces Ateliers après 2 ans et demi. Sébastien peut en parler de l’intérieur car il a eu la “chance” de faire partie des volontaires tirés au sort (sic), et a donc participé à toutes les sessions depuis le départ.

1️⃣ Faire semblant : mettre en oeuvre des instances participatives

“L’atelier, nous le concevons comme une instance vraiment nouvelle, vraiment active et participative”

Olivier Arsac, Adjoint au Maire, coordination des maires de quartier et de la participation citoyenne (démocratie locale) ; Conseil Municipal, PV Séance du vendredi 18 juin 2021

La Mairie affiche ses ambitions – c’est-à-dire qu’elle communique dessus :

Des projets locaux initiés et co-administrés par les citoyens ? Une initiative horizontale ? Niveau communication c’est vraiment pas mal. On a bien tous les mots-clés, l’agence de com a bien travaillé. On ajoute même un petit logo sympa, vert, avec une feuille, si cela n’est pas la garantie qu’on va avoir de l’écologie, on n’y connait rien.

2️⃣ Restreindre le cadre au maximum : mobiliser un panel de citoyens pour des actions à l’impact très limité

Des grands Ateliers Citoyens où les toulousains décident ! Grande idée. Mais ils décident sur quoi d’ailleurs ? Idée de la mairie : fusionner ça avec la procédure MesIdéesPourMonQuartier (voir partie 1 de cet article). On va donc demander aux participants des Ateliers de trier et classer les idées des habitants (pré-filtrées par la mairie). Ensuite ces idées (après un nouveau filtrage de la mairie) seront réévaluées dans les Bureaux de Quartier. Ceux-ci sont des instances de démocratie locale qui regroupent un-e maire de quartier et des représentants d’associations. Si une idée a survécu à tout ça, elle aura alors le privilège d’entrer dans le vortex des “choses à réaliser” dont on ne sait plus trop qui en fait le suivi. En tout cas du point de vue des participants, on ne nous dit rien, et on ne nous répond que des choses vagues quand on demande.

On résume donc le rôle des grands Ateliers Citoyens ici : trier les propositions de MesIdéesPourMonQuartier. Tri qui sera de toute façon jugé et rejugé par de nombreuses autres instances. Vous connaissez le terme usine à gaz ? Beaucoup d’énergie des toulousains utilisée pour si peu.

Et ensuite, 6 mois après, une fois cette opération de tri réalisée, que fait-on de ces Ateliers ? C’est ici que le côté affichage / faire semblant devient bien visible. On en fait quoi de ces citoyens toulousains motivés ? Mais après tout c’est participatif ! On va leur demander de trouver eux-mêmes à quoi ils peuvent servir ! Bon après faudrait pas non plus qu’ils nous sortent des choses vraiment utiles et engageantes, du coup on va encadrer et contraindre ça de très très prês.

On se retrouve donc à une nouvelle réunion, avec significativement moins de participants déjà (et la dégringolade n’est pas terminée…), à se retrouver par groupe d’une petite dizaine de participants et réfléchir à ce qu’on pourrait faire, en terme d’écologie, à l’échelle du quartier. Forcément, rien que cette règle d’échelle annule tout initiative ambitieuse. Pour la plupart des quartiers, les initiatives vont se déliter en seulement quelques mois. Seules quelques-unes vont perdurer, et encore. Pour l’anecdote, toutes ces idées survivantes sont plus ou moins des projets de composteur local. Il y a 5 ou 10 ans cela aurait pu avoir du sens. Depuis janvier c’est une obligation légale pour la métropole… pas respectée bien entendu mais tout de même, dans le genre budget dévié…

3️⃣ Laisser se défaire : faire si peu souvent que c’est démoralisant

Après avoir candidaté pour un panel, avoir été sélectionné, avoir été porté par la démarche… le soufflet retombe. 

Remettre l’ouvrage sur la table pour rendre compte de l’inaction : “Pire : plusieurs mesures étaient déjà là il y a 2 ans, plutôt les meilleures d’ailleurs, certaines même classées par le bureau de quartier. 2 ans plus tard, elles n’ont pas été réalisées, et on les remet sur la table. On peut tourner comme ça à l’infini”

4️⃣ Faire autre chose

Quentin Dupieux l’a très justement fait dire à Raphaël Quenard dans le film Yannick

“Vous vous rendez pas compte que c’est précieux le temps des gens!” 

Oui, c’est précieux. Et le problème quand on en abuse, pour des résultats plus qu’aléatoires, voire inexistants, c’est que les gens arrêtent de venir. Mais la mairie a une solution toute faite pour cacher la misère : ne pas respecter le règlement qu’elle a elle-même rédigé il y a 3 ans.

Une attente logique, et une surprise :

La communication officielle qui se gargarise de l’affluence :

L’explication :

Pourtant, nous sommes allés vérifier, le règlement des Ateliers Citoyen est clair : les membres des ateliers sont tirés au sort parmi les candidats en 2021 et pour 3 ans.

Aucune mention d’une procédure de ré-entrée telle que celle observée ici. Mais à la mairie de Toulouse, on délibère, on vote… puis on fait autrement.